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BenL
30 août 2014

Les Anges, épisode 3

3. La bataille et les représailles

La situation devient confuse, ça tire de partout. Les villageois, à juste titre, n'osent pas s'aventurer sur le champ de bataille. Les rares témoins passant par inadvertance (et par le plus mauvais des hasards) parlent de tirs dévastateurs des mitrailleuses allemandes sur un terrain à découvert.

Prenant sa moto l'abbé C. fait le tour de tous les combattants et parvient à faire cesser le feu. Mais les allemands sont furieux d'avoir été attaqués. Depuis le début de leur retraite, alors qu'ils étaient stationnés du côté de Sète, ils sont harcelés sans cesse par les résistants, quand ce ne sont pas les dangereuses attaques aériennes (voir l'épisode 1).

C'est alors que se forge la légende: un officier parle d'un village souligné à l'encre rouge sur sa carte (référencé comme accueillant rebelles et autres résistants). Est alors évoqué la possibilité de brûler le village et tous ses habitants.

Cela serait possible, les allemands ont le matériel pour, et des précédents sont avérés.

Quand j'ai découvert cette histoire ce point m'a posé un problème. Pourquoi ce petit village serait plus marqué pro-résistant qu'un autre. Il y a bien l'anecdote de 1943 mais cela n'est pas suffisant pour le rayer de la carte et comment des allemands en pleine déroute aurait-il connaissance d'un fait divers?

J'ai donc cherché à savoir qui étaient ces allemands. Les rares écrits parlent de SS, nazis, allemands, mongols sans être plus précis. De ma recherche, il ressort que le convoi était un agglomérat de troupes éparses, assemblés pour se protéger les uns les autres. L'ossature est cependant connue. C'est le musée de la résistance de la Drôme qui nous apporte la réponse (confirmée par d'autres sources), le convoi est constitué autour de la 189ème division d'infanterie de réserve. Comme dit dans un précédent article, elle est constituée de vieux soldats qui forment les jeunes appelés du contingent ainsi que des ''Ost-Bataillon'' chargés de la lutte anti-insurrectionnelle. En fait s'ils viennent du front de Sète, il ne sont pas du tout stationnés sur la côte comme on l'entendait dire, mais dans notre secteur!!!

Certains soldats font même probablement partis de ceux qui étaient venus en 1943. Ils n'ont été envoyé à Sète qu'après le débarquement de Normandie, par crainte de ce qui est arrivé: un 2ème débarquement sur la côte Méditerranéenne.

Voilà pourquoi ils connaissaient le village, ils étaient tout simplement ''chez eux''.

Au moins j'aurai apporté ma pierre à l'édifice. Cet élément éclaire en effet de nombreux points d'interrogation par rapport à l'attitude des allemands.

Bref, revenons au récit:

Un groupe de soldats arrive dans la ferme de la famille V. et accuse le fils Louis d'être un maquisard (ce n'est qu'à moitié faux, c'est en effet la famille qui héberge l'orphelinat encadré par les religieuses anti-nazis). Il est sur le point d'être exécuté quand son père intervient pour clamer son innocence.

Soudain, dans un fracas du tonnerre, des avions alliés surgissent de nul part et tirent sans faire de dégâts (en fait, ce quie ne savent pas les villageois, c'est que les pilotes ont la consigne de ne pas tirer sur les maisons sans être certain d'avoir identifié l'ennemi. Au mieux ils font ce qu'ils ont fait, à savoir une passe de tir en l'air pour effrayer). Ils repartent aussi vite qu'ils sont apparus, mais l'intervention a sauvé Louis. Ressortis de leurs abris, les allemands sont plus faciles à convaincre et acceptent de relâcher le jeune garçon. Ils s'en vont, le passage des avions leur a rappelé que s'ils sont plus fort qu'une bande de gamins armés de vieux fusils, l'armada alliée est sur leurs talons et là ce sont eux les proies.

Dans le bourg, les 9 premiers hommes qui passent par là sont rapidement et brutalement regroupés. Dans la foulée, ils sont alignés pour être fusillés sans plus de forme.

Le prêtre qui revient du camp opposé où il a réussi à obtenir une pause dans l'assaut, se propose en échange. Une longue joute verbale s'engage avec un officier, ancien séminariste qui a fait des études en France. Finalement le peloton est annulé mais les otages sont regroupés dans un local du bourg, gardés sous la menace de plusieurs fusils mitrailleurs. L'un des 9 otages, un estivant originaire de Lyon, est mis à part et sorti. Dehors il est accroché sur le capot d'une voiture.

Les allemands lui proposent une ''balade'', ils partent pour une expédition punitive au chef lieu du canton où ils espèrent trouver les résistants qui les ont attaqués. L'otage servira de bouclier humain et pourra être abattu d'une rafale de mitrailleuse par les occupants depuis l'intérieur de la voiture, si cela est nécessaire.

Ce ne sera pas nécessaire et le lyonnais rentre vivant de son calvaire. L'expédition revient bredouille.

Les menaces des allemands (brûler le village avec ses habitants) sont prises au sérieux par l'abbé qui leur demande de partir sans violences supplémentaires si les Anges n'attaquent plus. Il est convaincant et les soldats qui ont fouillé toute la journée la ferme de la famille P., pour trouver armes et radios, rejoignent le reste des troupes sans avoir rien trouvé.

J'ai rencontré Joseph, le fils de cette famille pour ma série d'articles.

Il avait 10 ans à l'époque et se souvient des allemands qui démontaient sa maison à la recherche des armes et de son père qui a passé la journée un fusil constamment pointé sur lui. Le gamin est maintenant un vieux monsieur, tout comme l'unique autre ancien témoin encore en vie.

Joseph, m'a confié qu'il y avait bien des armes cachées dans sa maison, mais de simples fusils de chasse. Placés sous le faux fond d'une armoire (ils auraient dû être confiés à la gendarmerie au début de la guerre). Ils ont tremblé quand un soldat est passé à quelques centimètres. Heureusement il n'a pas vu ou n'a pas voulu voire, ils cherchaient des armes semi-automatiques de fabrication anglaise; celles qui étaient livrées aux maquis lors des périlleuses missions de parachutages nocturnes.

Pourquoi cette maison en particulier?

C'était la plus proche de celle qui abritait les armes en 1943. Ce que nous pouvons maintenant expliquer par l'origine des soldats. Toute l'armée allemande ne se baladait pas avec les coordonnées du village et des planques de la résistance. C'était bien les soldats d'occupation du secteur qui connaissaient plus ou moins les dangers locaux à surveiller pour éviter les attaques surprises lors de la retraite.

Toujours est-il que la patrouille chargée des fouilles rejoint donc les officiers et donne un bon point pour les villageois.

Le prêtre parvient à convaincre les allemands de se calmer. Il promet que les résistant n'attaqueront plus et qu'ils (les allemands) pourront reprendre leur route sans être à nouveau attaqués. En signe de bonne volonté, la garde des otages est réduite à un alsacien engagé dans l'armée allemande; enrôlés ''malgré eux'' comme ils disent.

Mais, il reste à convaincre les résistants de réellement cesser d'attaquer. Certes l'abbé est parvenu à un cessez le feu temporaire, mais pour les Anges, c'est le baptême du feu et ils veulent en découdre. Jusqu'à maintenant ils n'avaient mené que des actions clandestines limitées. Là, c'est la vraie guerre. La plupart sont très jeunes et un peu trop exaltés. Les convaincre de se replier définitivement est une tâche ardue pour le prêtre. Ils n'ont pas encore conscience du drame qui vient de se dérouler...

L'abbé retourne donc discuter avec les Anges, l'avenir du village en dépend, à conditions que les allemands tiennent parole!

Fin de l'épisode, la suite demain!

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